XXe siècle

La Grande Guerre : Henry Dadvisard

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Le capitaine Dadvisard avec le 4e escadron (P3 et P4) en 1913, Quartier Dupleix à Paris

 

 

 

 

 

Le capitaine Dadvisard au 1er régiment de cuirassiers

 

 

 

 

 

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L'assaut

 

 

 

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LE COMTE HENRY DADVISARD (1877-1915)

CAPITAINE AU 1er REGIMENT DE CUIRASSIERS


LES ADIEUX A MON ESCADRON (lettre du capitaine DADVISARD au 4e escadron)

Mes amis,

Je vous ai réunis ce matin pour vous faire mes adieux…

Alors ! je ne vous parlerai pas du présent, car c'est la minute déchirante où mon coeur se brise; je ne vous parlerai pas de l'avenir, car l'avenir est à Dieu seul; mais j'ai le droit, j'ai le Devoir de rappeler devant vous le Passé que vous avez fait et que vous avons vécu ensemble ......!

Officiers, Sous-Officiers, Brigadiers et Cavaliers de mon Escadron bien aimé, chaque fois que l'un de vous est venu se ranger sous mon égide, je ne lui ai jamais proposé qu'un but, celui du Devoir accompli.

Aujourd'hui c'est pour essayer de m'en rapprocher davantage que j'ai la force de me séparer de vous ! Et vous tous d'un unanime élan, par un don magnifique de votre adorable jeunesse, vous avez répondu à mon appel en plaçant à nu votre coeur dans ma main !

Ah ! voilà ce dont je veux vous remercier, voilà le bonheur qu'aucun autre amour humain n'égalera jamais !

Eh bien maintenant retournez à votre Devoir sans découragement, sans tristesse, vous rappelant cette autre grande pensée que nous avons souvent aussi évoquée ensemble : A savoir que l'homme indispensable n'existe pas et qu'au-dessus des changements qui agitent l'humanité, trois seules choses demeurent : l'intelligence qui comprend, la volonté qui croit et par dessus tout le sentiment pour lequel nous aimons !

Le Capitaine Henry Dadvisard

SAINT-AMAND, le 26 Février 1915


Texte de la brochure publiée par la Société Académique d'Histoire Internationale fin 1915, consacrée au capitaine DADVISARD dans le cadre du Mémorial de la Guerre de 1914-1915.

Auteur : Hugues LEROUX

Je n'exprimerai pas ici la tristesse qui étreint le cœur de « l'homme devant un avenir cruellement anéanti. Ce seraient là des paroles sincères, mais sans portée suffisante. Cette tombe mérite mieux qu'un regret fugitif, plus qu'une larme qui se sèche et s'oublie. Elle nous prouve que si, pour vivre et vaincre, la France est dans l'obligation de demander à toutes les générations des apôtres et des martyrs, elle peut, sans hésitation, continuer sa moisson. Chaque postérité qui se lève est prête à verser son sang. C'est alors pour ceux qui survivent une raison nouvelle de veiller, plus fidèles, sur cet Etendard sacré, dont dans un suprême adieu, tant de disparus nous ont confié la garde.»

Ces paroles, que le capitaine Dadvisard a prononcées, il y a sept ans, au camp de Tatforalt (Maroc) aux funérailles d'un de ses cavaliers, sortent aujourd'hui de sa propre tombe. Elles sont un encouragement pour ses soldats, une consolation pour ceux qu'il a aimés — le testament de son âme hautement française, militaire et chrétienne.

A cette minute où ceux qui l'ont connu considèrent « son avenir cruellement anéanti » il ne veut pas que la tristesse s'exprime. Il pense à la France qui doit « vivre et vaincre ». Il est heureux d'avoir été choisi comme un des « apôtres et des martyrs », qui, d'une génération à l'autre, tombent pour elle. Du fond de la sérénité où il est entré, il contemple l'Etendard, il le recommande à la vaillance de ceux qui survivent. Cet étendard a été la religion terrestre du capitaine Dadvisard. Dès sa première jeunesse, ce symbole lui est apparu comme l'expression du culte qu'il voulait rendre à sa lignée, à ses convictions et à ses espérances.

Né au château de Mondouzil (Haute-Garonne), le 4 juillet 1877, de Alfred Louis Amable, marquis Dadvisard et de Marie Joséphine Caroline d'Ursel, Marie Joseph Claude Henry avait, selon le mot du poète reçu en héritage « tout ce que Dieu donne ou permet » : un beau nom, une belle fortune — une belle figure. Toutes les chances d'une vie où le plaisir facile, les succès mondains, les joies d'amour-propre, auraient, pu masquer le devoir, lui étaient offertes par le destin. Il rêva, comme du seul état digne d'un homme de sa trempe, de la discipline militaire et du cloître de l'Armée.

Elève à la rue des Postes, il fut admis à l'Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr à 19 ans, le 26 octobre 1896. La campagne du Maroc offre aux officiers épris de leur état, l'occasion de tâter de la vraie guerre : le 11 mai 1908 il obtient d'aller rejoindre le 2° régiment de Spahis. Les qualités de commandement et la bravoure dont il donne des preuves en Afrique le désignent au choix le 24 juin 1910 pour le grade de capitaine au 1er régiment de cuirassiers, où il prend le commandement d'un escadron le 23 juin 1913, et le 27 avril 1915 il est tué à l'ennemi.

Voici le portrait qu'à cette minute suprême, le capitaine d'Etat-Major de Grandmaison trace de lui :

« Taillé en athlète, haut en couleur, la voix rude, homme de sport et de salon, écuyer consommé, bon camarade, il ne savait cacher sa pensée. Il portait la capote et le képi du simple soldat, sans galons, sans insignes ; mais tous les hommes de la division connaissaient le capitaine Dadvisard, qui leur lançait des boutades pleines d'esprit et d'à-propos, et causait avec eux familièrement, la pipe à la bouche, le gourdin pendu au bras. C'est un soldat et c'est un chef», disait récemment de lui un de nos généraux les plus distingués. »

Cette affection pour le soldat se mêlait dans le cœur du capitaine Dadvisard à une tendresse familiale qui, autant que le lui ont permis les exigences du service, a été la chère préoccupation des dernières années de sa vie. Il voulait que la noble femme en deuil à laquelle le vœu d'un mourant l'avait attaché comme un fils étendit à tous ses soldats les bienveillances de la maternité spirituelle dont lui-même il était gratifié. Il n'hésitait pas à solliciter pour ses hommes une générosité dont la haute source lui était chère. Sûr de ne jamais lasser, il ne demandait pas seulement ce qui pouvait améliorer les conditions matérielles de la vie si dure de ses soldats : il désirait pour eux un sourire de grâce, des féeries, telle que l'illumination d'un arbre de Noël à portée du canon. L'état d'âme de ceux qui lui étaient confiés le préoccupait autant que leur besoin de vie.

On lit dans la lettre où l'aumônier, dont il s'était fait un ami, annonce sa fin héroïque à sa mère : « Les hommes perdent en lui un Chef, un père qui les aimait et qu'ils aimaient; moi un collaborateur, mais j'espère avoir un protecteur au Ciel. » « Ce fut par décision volontaire que le capitaine Dadvisard quitta ses chers cuirassiers afin d'aller commander au 9e corps d'armée la 1re compagnie d'un bataillon du 66e d'infanterie. »

Devant l'hécatombe d'officiers qui appauvrit les régiments de ligne, le Haut Commandement avait fait connaître, par voie officielle que sa gratitude serait acquise aux officiers de cavalerie qui descendraient de leurs selles pour venir remplacer dans la tranchée les camarades de l'infanterie tombés sous les balles allemandes. Cet appel avait résonné au plus profond du cœur du capitaine Dadvisard. Ses hérédités, ses aptitudes, ses précédentes campagnes, les amitiés de toute sa vie, faisaient de lui un cavalier, un cuirassier, mais il souffrait jusqu'à la douleur de l'inaction que les conditions actuelles de la guerre imposent à son arme favorite. Comme il en avait l'habitude, il descendit dans sa conscience et il décida que ce sacrifice de ses goûts et de ses affections était utile au triomphe de la cause pour laquelle il avait vécu sa vie de soldat.

Dans celle décision, il eut cette récompense la plus précieuse de toutes pour un officier de son caractère ; il vit plusieurs sous-officiers et plusieurs simples cuirassiers permuter en même temps que lui. Ils ne voulaient pas se séparer d'un chef qui leur était cher. Ces marques d'affection ont adouci pour le capitaine Dadvisard les suites d'un changement de milieu qui, à cette minute, enveloppa son détachement de mélancolie. On sent, d'ailleurs, dans les dernières lettres qu'il a écrites, l'admiration sans bornes que lui inspire l'attitude morale et militaire de ces soldats d'infanterie que, maintenant il commande: « A la paix, a-t-il écrit., c'est à genoux qu'il faudra recevoir ces « poilus » dans leurs villages. Ils ont souffert et supporté ce que ni les soldats de la République, ni les « grognards » de Napoléon ont enduré. »

C'est à la tête de ces admirables soldats que, le mardi 27 avril, le capitaine Dadvisard est allé au feu pour la dernière fois. Dès le matin, le 66e régiment d'infanterie avait été rapidement transporté en Belgique par des autobus. On l'avait rangé en position préparatoire à côté du canal de l'Yser. Aussitôt le capitaine Dadvisard, qui commande la première compagnie de son bataillon, va trouver le commandant. Il insiste pour que sa compagnie soit placée en première ligne. Il réclame comme un privilège l'honneur de diriger la première attaque. Il a gain de cause. Il attaquera à droite, avec une autre compagnie à sa gauche; deux autres compagnies suivront à deux cents mètres. On va s'efforcer de progresser vers le Nord sur deux mille cinq cents mètres. Vers trois heures et demie on attaquera.

Les forces françaises ont à peine en le temps de s'ébranler, lorsque, vers midi, l'artillerie ennemie, qui a prévu le mouvement, entre en jeu. Elle crible nos gens d'obus de tous calibres. L'action est rapportée en ces termes par un ami qui y prenait part : « Dadvisard, dit cet officier, a déployé un courage superbe. « II courait de tous côtés pour diriger sa compagnie, la redresser, l'encourager. Par bonds successifs — d'autres témoins ont dit : « qu'il sursautait comme flamme » — il était parvenu vers deux heures et demie à amener sa compagnie à environ huit cents « mètres de la tranchée de première ligne. C'est à ce moment-là qu'une balle l'a frappé en pleine poitrine et l'a étendu par terre. II n'a pas eu le temps de souffrir, car le camarade qui s'est précipité pour le secourir l'a trouvé inanimé. Mais l'élan qu'il a communiqué à sa compagnie était tel que celle-ci a continué l'effort commencé. Malgré des pertes sensibles elle est presque arrivée au but assigné.

Le soir même j'ai eu l'occasion de voir plusieurs de ses hommes. Tous demandaient de ses nouvelles. Il les commandait depuis peu, mais il avait été vraiment un chef ; il était aimé de tous. Il leur avait communiqué son élan, sa gaieté, son grand courage. Aujourd'hui tous le regrettent et le pleurent. » Ses dernières paroles à son départ pour la guerre ont été : « J'offre de tout mon cœur à Dieu le sacrifice de ma vie pour ma chère Patrie et pour la protection de ceux que j'aime, pour la réparation du mal que j'ai pu faire à mon prochain, »

Aujourd'hui le sacrifice est fait.

C'est dans une tombe provisoire, tout près de la place où il est mort pour l'amour de son rêve, pour l'honneur des siens, dans la foi de sa jeunesse, dans une fidélité filiale, à sa plus chère tendresse, que le capitaine Dadvisard repose à cette heure. Au-dessus de cette sépulture flotte, pour ceux qui l'ont aimé, le souvenir de la parole que lui-même prononça autrefois au camp de Tatforalt, devant la dépouille mortelle d'un de ses spahis : « Cette tombe douloureuse mérite mieux qu'un regret : pour nos cœurs de soldats et de croyants elle porte en elle l'indestructible ferment d'une très grande espérance. »

Hugues LEROUX


Le général Foch fait de lui cette brillante citation à l'Ordre de l'Armée qui est accompagnée de la Croix de guerre à la date du 28 juin 1915 :

Dadvisard Henry, capitaine de cuirassiers, détaché au 66e régiment d'infanterie :

« Cœur chaud et vibrant, remarquable entraîneur d'hommes, venus sur sa demande dans l'Infanterie pour mettre au service de la Patrie d'admirables qualités militaires. Est tombé glorieusement à la tête de sa compagnie en l'entraînant à l'assaut le 27 avril. »


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