L'histoire du Char "MONTEBELLO"
LA NAISSANCE DU "MONTEBELLO"
Tout commence en Avril 1943. Les gars du 1er Régiment de
Chasseurs d'Afrique quittent Rabat (Maroc) pour installer un immense bivouac dans la
brousse à Aïn Sibarra. C'est là qu'ils perçoivent le matériel américain et surtout
leurs chars. Bientôt chars et véhicules sont immatriculés puis baptisés. C'est ainsi
que naît le "Montebello" au 3e peloton du 8e
escadron.
LA RENAISSANCE DU
1er REGIMENT DE CUIRASSIERS
Septembre 1943. Les régiments de chars de "type léger" sont
créés. Le 1er Régiment de Chasseurs d'Afrique se trouve scindé en deux
unités de quatre escadrons : le 1er R.C.A. proprement dit et le 1er
R.C.A. bis, qui deviendra deux semaines après le 1er Régiment de Cuirassiers.
Le 8e escadron prendra la dénomination de 3e escadron dans ce
nouveau régiment.
DESIGNE VOLONTAIRE « D'OFFICE »
Lannée 1944 débute par un long déplacement de la 5e
D.B. et le "Montebello" fait, comme les autres chars, du tourisme à
travers les pittoresques gorges de Tlemcen pour rejoindre Martimprey du Kiss dans la
région d'Oujda, à la frontière Algéro-Marocaine. Le 1er R.C. remontera un
peu plus au Nord et se cantonnera dans la région d'Oran, au Cap Falcon. Entre exercices
et entretien , les hommes profitent de la mer pour s'y baigner alors que le chef de char
du "Montebello" est désigné comme volontaire "d'office" pour
effectuer un séjour à l'Ecole des Cadres de Douera, ce qui lui vaudra de défiler à
ALGER pour le 14 Juillet.
DESTINATION : LA FRANCE...
Un beau soir, le 1er R.C. roule sur les quais d'Oran. afin
d'embarquer pour la France. Après sept jours de traversée, il foule le sol de France
avec une joie sans nom et, par étapes, arrive à Mallemort où il passe un court séjour
avant son embarquement en gare de Miramas afin de rejoindre le Nord.
DIRECTION LA ZONE
DE COMBAT
Novembre 1944, à Fontenoy-la-Ville, le "Montebello"
perdra son pilote des premiers jours, Dupuch qui, malade, sera évacué. Le 11, le 1er
R.C. défilera encore devant le Général de Vernejoul et quelques jours plus tard, il
effectuera un grand déplacement nocturne, traversera de nombreux villages et s'arrêtera
à l'orée d'un bois. Derrière eux, des batteries d'artillerie leur font comprendre que
le combat approche.
LE BAPTÊME DU FEU
Le 16 Novembre, nous sommes à Laire, en fin d'une journée très dure.
Le 17, nous nous ruons vers Héricourt, après avoir libéré Tavey sur notre lancée.
Nous voici à l'entrée de Héricourt où une barricade ferme la route Impossible de la
démolir au canon. Sous la protection de nos armes, les gars du Génie vérifient si la
route n'est pas minée. Non. Nous passons en bousculant la barricade. Notre objectif :
prendre intact le pont de la Lizaine. Une terrible explosion ébranle l'air un pont saute
quelque part. Il n'y a pas de temps à perdre, il faut faire vite si nous voulons remplir
notre mission.
A toute allure, le peloton fonce, passe le dangereux carrefour de la
route de Montbéliard. Le "Montmirail" et le "Montebello"
franchissent le pont de la Lizaine, les autres chars protégeant les arrières. Une
section du R.M.L.E. avec le Capitaine Simonet nous accompagne. Le feu ennemi fait des
trous dans les rangs des légionnaires. L'adversaire contre-attaque avec rage, mais le
"Montmirail" et le "Montebello" anéantissent ces
assauts par le feu du canon et des mitrailleuses. L'ennemi voudrait reprendre le pont et y
met le prix. Nous sommes pris à parti depuïs les fenêtres; on tire sur nous au panzerfaust
par les soupiraux. Le "Montmirail" est touché, par bonheur sans
gravité. Malgré tous les efforts de l'ennemi, les chars resteront maîtres de la
situation. Des tirailleurs marocains arrivent enfin en renfort et vont nettoyer les
derniers nids de résistance qui nous menacent encore. La nuit tombe, le 3e
peloton reste sur les positions qu'il vient de conquérir après cette chaude lutte.
L'équipage du "Montebello" profite de ce répit pour nettoyer toutes les
armes du char, pendant que le "Montmirail" va faire panser le trou qu'il
a à l'avant.
UNE VISITE DU GENERAL DE LATTRE
Vers 20 heures, les hommes du "Montebello" ont la
surprise de recevoir la visite du Général de Lattre de Tassigny, accompagné de nombreux
officiers généraux. Le Commandant en Chef s'entretiendra quelques instants avec Durbans,
celui-ci étant un ancien de la 14e Division dInfanterie commandée par
le Général pendant la campagne 1939-40. Le lendemain, 18 Novembre, alors que Héricourt
se réveille libre nous comprenons pourquoi l'ennemi s'était tant acharné pour nous
déloger du pont et nous le reprendre : l'ouvrage était miné et prêt à faire sauter.
Grâce à notre manoeuvre hardie et rapide, ses plans ont été déjoués et le pont a
été gardé intact.
La population nous fait fête et nous vivons dans une ambiance de folle
joie et d'allégresse. Mais la guerre n'est pas terminée, Belfort se trouve à portée de
main et au-delà l'Alsace nous attend. Durbans a hâte de pénétrer avec son "Montebello"
dans notre chère province, n'est-il pas Mulhousien d'adoption et de coeur ?
Les chars du peloton font leurs pleins : essence, munitions, vivres.
Tout est prêt et même le "Montmirail" revient, sa
plaie pansée par un gros bouchon de bois ! Démarrage vers 11 heures petit arrêt au
milieu de la ville, puis direction Belfort. Le groupe "Marengo"-"Montmirail"
roule en tête, suivi du groupe "Montebello"-"Marne".
Nos légionnaires ne sont pas là aujourdhui , et exceptionnellement un pâle soleil
perce la grisaille des nuages.
Le 1er R.C. est prêt à subir l'épreuve du feu. Il est
commandé par le Lieutenant-Colonel du Breuil. Le régiment fait partie du Combat Command
n° 4 (C.C.4) sous les ordres du Colonel Schlesser.
A la tête du 3e escadron se trouve le Capitaine Détroyat.
L'Aspirant d'Oléon commande le 3e peloton (Les victorieux), cinq chars sont
sous ses ordres : le sien, le "Marignan". le "Marengo",
le "Montmirail", le "Marne" et enfin, le "Montebello".
L'équipage du "Montebello" se
compose de :
| Chef de Char : Maréchal des Logis-Chef DURBANS |
| Tireur : Brigadier-Chef GIRARD |
| Pilote : Brigadier LUGAT |
| Aide-pilote : Cuirassier LAVERLOCHERE |
| Chargeur : Brigadier MALZ |
UN COMBAT ACHARNE
La. colonne progresse lentement et s'approche d'un solide position
allemande sur laquelle nous avos été renseignés : la barricade de Brévilliers. Tout à
coup, alerte : l'ennemi a ouvert le feu et s'est révélé. Le groupe "Marengo"-"Montmirail"
suivi du "Marignan" déboite à droite de la route et engage le duel. Le
"Montebello" et le "Marne" prennent sous leur feu la
crête du mamelon à gauche. Les trois chars de droite essaient d'avancer, mais
l'adversaire est solidement retranché et bien pourvu d'armes antichar. Le combat croît
avec acharnement et en intensité.
C'est alors que le "Montebello" suivi du "Marne"
va tenter de contourner la résistance par la gauche et prendre le revers. Le "Montebello"
escalade le monticule et déloge une nombreuse infanterie terrée dans des trous
individuels et abondamment pourvue de panzerschreck. Mais un incident à bord
l'oblige à marquer un temps d'arrêt dans sa progression. Malz vient de se faire écraser
un doigt par la culasse du canon. Vite Durbans lui fait un pansement grâce à la trousse
de premier secours, et Malz, en attendant son évacuation, changera de place avec
l'aide-pilote Laverlochère. Le char reprend sa progression toujours suivi du "Marne".
Va-t-il réussir dans son entreprise ? Ses obus sont tirés à bon escient et la
résistance ennemie commence à se replier.
LA FIN DU "MONTEBELLO"
Mais l'ennemi avait gardé en réserve une carte maîtresse : un canon
de 75 PAK, camouflé
à la lisière du bois, à mille mètres à droite, et le char qui avance victorieusement
est stoppé brutalement par un obus en pleine tourelle (Ce même canon touchera peu après
le "Marignan", tuant le tireur et blessant grièvement l'Aspirant
d'Oléon et son chargeur le Cuirasssier Guy
Couëc). Quelques fractions de secondes après, un panzerschreck
traverse le poste avant. D'énormes flammes jaillissent aussitôt. Pendant de longues
minutes, rien ne bouge à bord. Seraient-ils tous morts ? Non, car enfin une silhouette se
profile dans la tourelle, une silhouette semblant immense dans les flammes, homme tenant
son ventre et grimaçant de douleur qui essaie d'ouvrir les volets du poste avant. Les
balles traçantes ennemies s'acharnent sur le char touché à mort, cherchant à abattre
complètement l'homme meurtri. Il chancelle... touché ? Non ! Il retourne à la tourelle
et dans un dernier effort il aide, miracle, un autre homme à sortir de là. C'est Girard,
gravement atteint à une jambe (Girard trouvera la mort quelques années plus tard, dans
une embuscade en Indochine). Malgré leurs souffrances, ils arrivent à glisser au bas au
char, à ramper et, s'aidant mutuellement, à se traîner jusqu'au fossé de la route.
Laverlochère, au poste de chargeur, avait littéralement explosé avec l'obus de 75 PAK qui perça la tourelle entre
les têtes du chef de char et du tireur. Les malheureux Lugat et Malz, au poste avant,
furent déchiquetés par le panzerschreck. Le "Marignan" vient
jusqu'au fossé de la route prendre Durbans et Girard grièvement blessés et les amènera
aux premières maisons. Mais les deux survivants emportent la vision inoubliable de leur
"Montebello" dont les flammes montent haut dans le ciel et qui est devenu
le four crématoire involontaire de leurs trois camarades qui, partis joyeusement pour
libérer la Patrie, sont morts pour que vive la France.
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