Amicale des Anciens et Amis du 1er Régiment de Cuirassiers

   A LA POINTE DU COMBAT (4° partie)

Mémoires de guerre d’un jeune cuirassier

par BARTHELEMY PAUL, ANCIEN DU 2e ESCADRON, 1er CUIRASSIERS

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Rappel: Ceci est le récit des opérations que mena le 2e escadron du 1er Cuirassiers du 9 octobre 1944 au 8 mai 1945. Dans ces pages du journal qui fut le sien je me suis permis d’insérer quelques notes personnelles sur les événements que j’ai vécu pendant toute cette campagne.

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Quatrième partie: du 23 décembre 1944 au 31 janvier 1945

23 DECEMBRE 1944 : Journée calme passée à ORBEY. De plus en plus nous voyons défiler de nombreux prisonniers que ramènent vers l’arrière notre infanterie. On les voyait épuisés glissant sur la neige gelée, l’oeil hagard nous regardant comme des bêtes curieuses. Quel monde étrange que la guerre ! Au-dessus du village, le ciel était gris à l’infini. Par moments il neige fort et la température continue largement de descendre au-dessous de zéro. Dans la journée le froid augmente, le vent souffle de plus en plus soulevant des tourbillons de neige. Nos blindés dissimulés un peu de partout dans les rues, semblent inertes, sans vie. Nous logeons dans les maisons les plus proches vides de leurs habitants.

24 DECEMBRE 1944 : Veille de NOËL. Que va nous réserver cette journée? Allons nous pouvoir assister à la messe de minuit qui sera célébrée pour la circonstance dans une cave, car l’église n’est plus qu’une ruine. Nous l’avons tous espéré, mais hélas cela ne sera pas le cas… A 9h00, notre escadron reçoit l’ordre de participer à la défense de FAING et de TANNACH car l’ennemi vient de contre-attaquer à l’ouest de ces localités. Nos chefs de groupe reçoivent leurs missions. Nous partons. Dans l’écho de la vallée roulent longuement les coups de tonnerre d’un engagement situé non loin de là. Devant nous on ne voit pas au-delà d’une dizaine de mètres tellement les gros flocons de neige qui tombent grossissent au fur et à mesure qu’ils arrivent au sol. Des congères se forment sur les bords de la route. L’infanterie qui nous suit a de la peine à se tenir debout. On sent la présence toute proche de l’ennemi. Déjà on entend des coups de feu tirés d’un bois dans le voisinage. Nos adversaires sont bien postés derrière les talus des fossés ou bien derrière les amas de neige. A certains endroits, ils essaient de gagner du terrain, aussi nos unités doivent progresser par bonds et marquer plusieurs arrêts dans leur marche en avant pour tirer. Les chenilles de nos chars n’arrivent même pas à entamer les bords de la route tant le sol était gelé, dur comme de l’acier.

Le 3e escadron est en difficulté dans le secteur de TANNACH. Il est sans cesse attaqué par une infanterie ennemie mordante, appuyée par une forte artillerie. Nous ne attendions pas à cette forte attaque, surtout en cette veille de Noël. Pour notre escadron, il est primordial d’aller renforcer le 3e escadron et de contenir la poussée ennemie. De partout les Allemands font le forcing et mettent en oeuvre quelques blindés et unités motorisées, mais il ne peuventt se mouvoir comme ils le voudraient, car il ne peuvent comme nous s’égarer hors des routes.

Le terrain est très boisé. La route que nous suivons est constamment bombardée. Des fontaines de neige s’élèvent et retombent, les éclats rebondissent sur un sol gelé. Lentement nous nous approchons d’un carrefour, aussitôt nous sommes pris par un déluge de tirs de minens. Nos chars n’arrivent plus à faire avant, la moindre manoeuvre les faits déraper, Ils zigzaguent. Ceux qui arrivent derrière nous, assistent impuissants à cet étrange carrousel. Nous bloquons la circulation. Nous sommes immobilisés ce que profite l’ennemi en profite pour nous arroser de minens. Notre lieutenant voyant ce désordre, ordonne à tous les équipages, à l’exception du conducteur, de sortir des chars et d’essayer par tous les moyens de mettre sous les chenilles tout ce qui nous tombe sous la main : terre, débris d’arbustes, cailloux etc .. afin de nous sortir de ce pétrin. Dès notre sortie nous sommes pris à partie par un tir nourri de minens. L’ennemi sur les hauteurs, règle à vue son tir meurtrier. Dans l’éclair d’une seconde, je vois notre tireur qui s’effondre près de moi. J’essaie de le relever, hélas il a déjà les yeux vitreux et rend son dernier soupir. Un peu plus loin, je vois notre chargeur qui se met à courir pour s’abriter, de larges plaques de sang zébrant son dos, il a reçu quantité d’éclats ; il s’écroule en gémissant. Je le prends par les épaules et essaie de le ramener sous le char car il ne peut plus marcher. L’ennemi nous harcèle sans cesse, recherchant notre anéantissement total. A l’arrière les autres chars essaient de reculer pour se mettre hors de portée. A ce carrefour c’est un vrai cafouillage. Ceux qui tentent de quitter la route se trouvent embourbés dans les champs. Notre  infanterie, elle aussi, cherche des abris, il y a parmi eux des tués et des blessés.

A l’intérieur du char on entend hurler notre lieutenant dans l’interphone, mais personne ne peut lui répondre. Seul le conducteur a son poste essaie de démarrer et de se sortir de ce maudit carrefour. Les éclats de minens viennent s’écraser sur notre char avec un bruit fracassant. Je ne sais pas comment j’ai pu éviter tant de métal en fusion s’abattant sur nous. Voyant que notre char ne pouvait démarrer, je m’abrite du mieux au-dessous de lui, quelques fantassins viennent eux aussi me rejoindre… Pour comble de malheur dans son affolement notre conducteur se blesse assez sérieusement aux deux mains en voulant rabattre précipitamment son capot avant. Le char est complètement inerte, comme mort. Les minutes qui passent ressemblent à des heures sans fin. Soudain une brève accalmie que nous mettons à profit pour réintégrer l’intérieur de notre char. Notre conducteur gémit à son poste, ses doigts dégoulinent de sang sur son treillis. Il n’est plus en état de conduire. Prenant l’interphone je rends compte au lieutenant qui m’annonce venir prendre le commandement de notre Sherman, car notre chef de char a lui aussi été blessé. Sitôt en tourelle, le lieutenant demande par radio l’évacuation des blessés et des tués. Ce qui fut fait en très peu de temps. Nous tentons alors de quitter ce maudit carrefour. L’ennemi donne à plein ses dernières réserves, essayant de nous faire reculer coûte que coûte. Nos unités s’étant ressaisies nous mettons enfin hors de combat les éléments adverses qui s’étaient trop avancés. Seuls avec notre lieutenant comme chef de char, soutenus à l’arrière par les autres chars du peloton, nous reprenons notre progression. Je reçois l’ordre de prendre un sentier qui monte en pente très raide. Je n’avais pas fait une quinzaine de mètres qu’au détour d’un mamelon apparaît un char destroyer de notre sous-groupement en flammes, probablement atteint par un coup de panzerfaust. Une épaisse fumée noire s’élève au-dessus de la carcasse ; des corps inertes sont comme suspendus par dessus le blindage passé au rouge vif, d’autres non loin gisent au sol probablement abattus alors qu’ils tentaient de fuir le brasier. Alors que assistons impuissants à cette scène horrible, une grêle de minens vient s’abattre autour de notre char, obligeant notre lieutenant à s’abriter dans la tourelle. Impossible d’aller plus loin car nous ne pouvons pas contourner le char destroyer… C’est alors que la nuit se met à tomber, si rapidement qu’on ne peut bientôt plus rien distinguer. Les hommes et les machines sont exténués d’avoir combattus depuis le matin. Des fusées éclairantes éclatent de temps à autre au-dessus de ce décor spectral, ponctuées par des salve intermittentes de mitrailleuse lourde.

Nous reculons dans un champ de neige où nous nous postons jusqu’à ce que bien plus tard dans la nuit nous soyons relevés pour redescendre vers l’arrière. Nous passons le reste de la nuit dans une immense ferme de la région perchée à flanc de coteau. Il y a un continuel va-et-vient d’unités d’infanterie et d’équipages de chars. Les hôtes de cette ferme se dépensent sans compter pour nous réconforter, nous donnant des boissons chaudes, soignant nos blessés. J’avais encore en tête les événements de la journée qui bourdonnaient sans cesse. Je me mis à sangloter. Je n’étais plus le même homme. Jusqu’ici j’avais vécu bien des drames, mais pas comme celui de cet après-midi. Je revoyais notre tireur couché à terre, mort, notre camarade SIMOND… Notre peine était grande, et ma peine immense : SIMOND était pour moi plus qu’un frère. Au fin fond du bled au MAROC,nous avions passé ensemble des moments inoubliables. Nous partagions la même guitoune, faisions les rêves les plus fous en évoquant notre retour un jour à la vie civile. En cette veille de Noël où il m’avait proposé d’assister avec lui à la messe de minuit dont le déroulement était prévu dans une cave, il n’atait plus de ce monde en fin d’après-midi… Cher SIMOND lorsque j’évoque encore aujourd’hui cette tragique journée du 24 DECEMBRE 1944, je ne peux oublier ton souvenir, un souvenir qui restera à jamais gravé dans mon coeur.

25 DECEMBRE 1944 : Journée à peu prés calme. De temps en temps notre artillerie tire quelques obus sur les positions ennemies installées sur les crêtes. L’effet des départs est terrifiant, l’onde de choc provoquée par les une telle vague de feu, le vacarme étourdissant et l’effet de souffle doivent démoraliser complètement ceux qui reçoivent les impacts. Trois soldats ennemis se sont rendus cet après-midi, leurs visage envahis d’une barbe sauvage, ils font pitié à voir. Nous sommes relevés par le 2e peloton. Nous retournons à ORBEY.

29 DECEMBRE 1944 : Voilà trois jours que nous sommes à ORBEY. Nous-nous organisons pour les prochaines batailles. Le 2e peloton est relevé par le 3e peloton qui lui aussi rentre à ORBEY. Le char du peloton de commandement a été atteint de plein fouet : II reste sur le champ de bataille. L’atelier régimentaire a bien essayé de le dépanner, mais sans succès. Un porte-char devra venir le récupérer. Nous apprenons que l’ennemi a arrêté ses contre-attaques, figé, littéralement gelé par la température sibérienne. Tout est saisi par glace : Hommes, moteurs et armes.

Nous sommes renforcés par d’autres sous-groupements de la division. Pour nos futures attaques, c’est à notre escadron qu’il incombera de lancer la progression, non seulement en direction de l’est, mais aussi au-delà des grandes routes. Un autre escadron constituera notre aile droite. Nous commencerons par faire mouvement à travers une forêt afin de nous rapprocher de l’ennemi et de nous trouver en contact avec son arrière-garde. Nous connaissons le système de défense adverse et la répartition approximative des troupes. Nous savons que les Allemands ont organisé leurs lignes de défenses sur une profondeur de quinze à vingt kilomètres. Nous avons obtenu ces renseignements grâce à l’interrogatoire des prisonniers. Chaque jour qui passait voyait se réduire les effectifs ennemis, mais il était encore très mordant face à notre détermination à avancer. Beaucoup de nos adversaires devaient se poser des tas de questions. Comment tenir par un froid pareil avec si peu de forces ?

30 DECEMBRE 1944 : L’ordre de se tenir prêt à faire mouvement nous arrive dans l’après-midi. Notre sous-groupement doit se porter dans la région de SAINT-DIE pour s’y refaire.

31 DECEMBRE 1944 : Dans la matinée par un froid épouvantable et la neige qui tombe, nous quittons ORBEY. Nous roulons toute la journée. Les équipages sont épuisés. Un tel trajet par un temps pareil n’arrange ni le moral des hommes, ni le matériel roulant. Toutes nos liaisons sont assurées par des jeeps ou des motocyclistes, car les communications par radio sont interdites. Notre déplacement doivent se faire dans le secret absolu. Nous parvenons au village de la LA PETITE FOSSE, un peu lugubre, mais intact.

1er JANVIER 1945 : Notre capitaine nous présente ses voeux. Il souhaite à tous de pouvoir se voir et se parler le plus longtemps possible… Que va nous apporter cette nouvelle année ? Nous pensons tous à nos familles angoissées et nous souhaitons que ce cauchemar se termine bientôt…

2 au 20 JANVIER 1945 : Déjà dix-neuf jours que nous sommes ici au village de LA PETITE FOSSE. On dirait que la guerre est finie tellement tout est silencieux, on n’entend plus le canon tonner au loin. Nous passons notre temps à réviser notre matériel, repeignant nos chars à la chaux vive, ou bien nous nous reposons dans les maisons réquisitionnées.

Nous avons participé à une prise d’armes à PROVENCHERES où pour la première fois on nous a présenté l’étendard de notre régiment qui avait été caché depuis 1940. C’est à cette occasion que j’ai été décoré de la Croix de guerre pour mon comportement à KAYSERSBERG. Quelle émotion quand le colonel m’épingle cette distinction sur la poitrine puis quand il me serre la main en disant « C’était dur à KAYSERSBERG n’est-ce pas ? ». Mes jambes tremblent et je suis incapable de lui répondre…

Nous recevons l’ordre de départ à 8h30 le 20 janvier. Nous quittons LA PETITE FOSSE pour aller à LAPOUTROIE par PROVENCHERES , SAINT DIE et le col du BONHOMME.

22 JANVIER 1945: Depuis deux jours nous sommes ici à LAPOUTROIE. Nous blanchissons encore nos chars à la chaux, enveloppons nos paquetages extérieurs avec des étoffes blanches, tandis que nos chefs de chars se confectionnent des cagoules. Nous sentons qu’une puissante offensive va bientôt se déclencher. Nos unités qui montent en ligne doivent prendre des précautions exceptionnelles de camouflage. Nous ne devons circuler que de nuit et nous mettre à couvert le jour, éviter de faire le moins possible de bruit avec nos engins motorisés afin de ne pas donner l’alerte à l’ennemi. Vu de loin le camouflage de nos blindés est parfait, ceux-ci se confondent parfaitement avec le paysage hivernal.

23 JANVIER 1945 : L’ordre de faire mouvement arrive le soir. Il neige sans arrêt. On nous annonce que nous allons attaquer COLMAR. Les Américains commenceront dès cette nuit. Notre escadron se porte à RIQUEWHIR. Pendant tout le trajet on ne voit presque rien du char qui nous précède tant les tourbillons de neige étaient denses, soulevés par un vent glacial. Même les traces de chenilles étaient rapidement comblées. Les véhicules motorisés s’enfonçaient jusqu’aux essieux et l’infanterie avait de peine à se frayer un chemin dans l’épaisse couche poudreuse. Chaque homme devait être constamment attentif afin de coller à celui qui le précédait au risque de se trouver ait soudain isolé.

24 JANVIER 1945 : Nous faisons mouvement de très bonne heure, le froid est vif et la neige n’a pas cessé de tomber. Nous prenons position prés d’un bois. Nous avançons, tassant la neige sous nos chenilles. Ils ont fière allure nos blindés recouverts de blanc. Nous couchons dans une maison bourgeoise vide de ses occupants. L’ennemi est favorisé par un temps pareil car notre aviation ne peut sortir pour effectuer ses raids.

25 JANVIER 1945 : Notre groupement a pris OSTHEIM. Après une lutte acharnée six chars ont été détruits. Les têtes de pont de l’ILL se sont agrandies mais notre situation évolue très lentement.

26 JANVIER 1945 : Nous devons nous porter jusqu’à la ligne droite de l’ILL vers le sud. Nous arrivons rapidement à BEBLENHEIM où nous nous installons pour la nuit. Nous craignons une contre-attaque de blindés ennemis, car le secteur est tout particulièrement fragile. Nous sommes à nouveau en première ligne. Nous faisons le plein de carburant et de munitions : Toutes ces opérations s’effectuent sans précipitation, sans lumière et en silence. Transis, trempés, nous avons les pieds dans l’eau glacée, la neige le froid, ce qui vient s’ajouter aux difficultés que nous impose la résistance féroce de l’ennemi. On devine dans l’échancrure de la forêt ses premiers avant-postes… Le paysage est figé, froid comme du métal. L’infanterie alourdie par le poids des sacs vient prendre position autour de nous et s’infiltre dans la forêt qui se trouve à notre gauche. Des traînées de brume s’effilochent sous le vent et viennent raser le sol. Des bruits de moteurs nous parviennent au-delà de la forêt. Est-ce que l’ennemi va attaquer de ce côté-ci ? On s’attend à les voir déboucher à 500 mètres face à nous !

Nous passons notre première nuit (et quelle nuit…) dans nos chars toujours en alerte, sans pratiquement bouger… Nous sentons petit à petit nos pieds devenir raides… attendre ... toujours attendre ... De temps en temps nos yeux se ferment, pourtant il ne faut pas relâcher notre surveillance ! Et nous ne pouvons pas nous plaindre car nous voyons que la situation de l’infanterie est pire, obligée par un froid pareil de se plaquer à même le sol dans des trous improvisés…

Nous avons pour mission de contenir l’ennemi dans ce secteur au profit d’autres unités pour assurer leur mouvement d’approche. Pendant ce temps là notre sous-groupement et l’infanterie américaine sont sévèrement contre-attaqués au nord d’HOLTZWHIR. L’ennemi bien retranché a en effet reçu pendant ce temps des renforts, et sa défense est partout efficace.

27 JANVIER 1945 : Nous passons une nuit calme. Dans cette plaine glacée de MAISON ROUGE, le vent ne cesse de hurler et la neige tombe sans arrêt. Nous restons vigilants et surveillons en permanence les lisières du massif forestier ou la lumière parait rassurante comparée à la pénombre de l’intérieur. Celle-ci est en effet propice aux pièges et aux embûches. La légion qui est l’infanterie la plus avancée, est à chaque instant à la merci de tireurs embusqués derrière chaque buisson ou chaque levée de terre. Nous avons réussi à faire du café avec de la neige fondue. Ce bois face à nous, nous obsède, on s’attend à chaque instant à voir l’ennemi en sortir brusquement.

Nous recevons l’ordre de partir l’après-midi avec trois de nos chars et de l’infanterie Américaine pour reconnaître un pont, le nettoyer et le faire sauter. Cette progression vaut la peine même si tout est gris et blanc ton sur ton sous un ciel polaire. Nos chars se font " allumer " à partir du Ladhof. La riposte est intense. Soudain des flammes jaillissent. Un de nos chars est touché, tourelle bloquée, canon inutilisable. L’aide-pilote affolé essaie de sortir du char, aussitôt des tirs de mitrailleuse convergent vers lui et il est tué net devant son Sherman. Le conducteur à son tour pris de panique laisse sa place au tireur qui réussit à ramener le char vers l’arrière.

L’infanterie piétine dans la neige, elle progresse par bonds successifs, se tapit derrière des haies et quelques murets écroulés. Non loin de là un soldat ennemi est étendu sur le rebord d’un trou, inerte, haché par l’artillerie. Les fantassins, grenades à la main avancent prudemment. Soudain à proximité du pont l’air s’embrase, une détonation me fait vibrer, d’autres éclairs suivent, le vacarme s’amplifie : le tir ennemi converge vers moi… A travers nos périscopes nous apercevons des soldats Allemands qui se faufilent à travers les haies, aussitôt nos feux se concentrent sur eux. Plusieurs hommes sont mis hors de combat. Lorsque nous arrivons près du pont, une arme antichar se révèle, tire et nous manque de peu! La reconnaissance est terminée, la destruction du pont est effective, l’infanterie se retire. Nous rejoignons notre escadron en fin de journée. Il va falloir monter une patrouille la nuit prochaine avec les Marocains de l’escadron et le chef de peloton pour ramener la dépouille de l’aide-pilote...

28 JANVIER 1945 : Encore 24 heures glacées passées dans les parages du pont de MAISON ROUGE. Les fantassins sont éreintés. Le grand chic de l’escadron est d’être quand même bien rasé et si possible avant midi. Par – 20°C en rase campagne c’est déjà une grande victoire, au moins sur soi-même. L’intendance a de touchantes attentions : En plus des rations K, voilà qu’elle nous envoie de la viande fraîche… Pas besoin de réfrigérateur bien sûr, et la distribution se fait à la scie. Chaque équipage reçoit un cube de 15 à 20 cm de côté. Avec la hache du lot de bord, on découpe des tranches grossières et on les fait fondre plutôt que cuire sur un feu à base d’essence bien entendu. Cela devrait être horriblement mauvais, mais sur le moment cela nous semble presque succulent.

29 JANVIER 1945 : Le sous-groupement ne bronche toujours pas, et pourtant personne ne parvient à s’habituer au froid. L’artillerie tire sans arrêt et le soir nos chars exécutent des tirs de batterie à 10 et 12 km. Le canal de COLMAR est atteint et nous prenons HOLZWIHR et WICKERSWIHR.

30 JANVIER 1945 : Enfin l’ordre que nous attendions arrive; nous traversons le canal de COLMAR et venons bivouaquer à BISCHWIHR qui a été pris dans la journée : le village est partiellement en ruines et fume encore. Dans les rues, des vaches errent en quête de nourriture et les chiens recherchent leurs maîtres. Dans les maisons détruites, on voit encore quelques objets familiers restés à leur place habituelle. Les habitants ont été évacués par l’ennemi peu de temps avant notre apparition. De nombreuses mines et et des abattis jonchent le secteur. Il faut faire très attention de ne pas mettre les pieds où il ne faut pas ! Dans la nuit, de nouveau nous franchissons à nouveau le canal de COLMAR et nous nous emparons de WHIR-EN-PLAINE, puis nous poursuivons en direction d’ANDOLSHEIM.

31 JANVIER 1945 : Notre opération prévue pour attaquer ANDOLSHEIM est reportée. Aussi, nous passons une journée à peu près calme. Le dégel a brusquement commencé dans la nuit.

 

Fin de la quatrième partie

Suit le récit de la Bataille pour la libération de COLMAR qui a déjà été publié dans notre Bulletin de Liaison N°15 (mars 2005). Nous incitons nos lecteurs à s’y reporter ou bien à retrouver le même récit publié également dans notre site internet: Bataille de Colmar . Dans notre prochain numéro nous reprendrons la suite des Mémoires de Guerre de notre camarade Barthelémy PAUL à partir du 3 février 1945, donc juste après l’épisode de COLMAR.

 

A suivre

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Lien vers la deuxième partie

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Lien vers la cinquième partie

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