Amicale des Anciens et Amis du 1er Régiment de Cuirassiers
A LA POINTE DU COMBAT (6° et dernière partie)
Mémoires de guerre
dun jeune cuirassier
par BARTHELEMY PAUL, ANCIEN DU
2e ESCADRON, 1er CUIRASSIERS
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Rappel: Ceci est le récit des opérations
que mena le 2e escadron du 1er Cuirassiers du 9 octobre 1944 au 8
mai 1945. Dans ces pages du journal qui fut le sien je me suis permis dinsérer
quelques notes personnelles sur les événements que jai vécu pendant toute cette
campagne.
Marquage des chars du 1er cuirs et du 2e escadron
fin 1944
Dernier
chapitre : Notes personnelles et conclusion
ATTAQUE DES VILLES EN ALLEMAGNE
Je voudrais encore dire quelques mots sur ces diverses attaques que
nous avons effectuées dans plusieurs grandes villes du pays de Bade et du Wurtemberg. Le
plus souvent, aux abords de ces villes, nous étions arrêtés par des abattis nombreux et
de tous genres.
La plupart des sections ennemies se battaient avec une énergie
farouche, nous donnant le plus souvent du fil à retordre. Il fallait, à chaque fois,
faire le forcing pour s'ouvrir un chemin parmi les rues transversales, nettoyer les nids
de résistance formés par des positions fortement tenues. La plupart des voies étaient
barrées par de petits blockhaus aménagés en profondeur. De nombreuses maisons étaient
murées et les fenêtres transformées en meurtrières avec des sacs de sable. Tous les
balcons étaient des nids de mitrailleuses et sur chaque toit des tireurs d'élite
étaient postés. D'autres soldats défendaient les différentes caves avec des grenades.
Pour notre infanterie, chaque porte était une tentation, une envie de
pénétrer afin de débusquer l'ennemi mais il fallait se méfier des mines antipersonnel
qui explosaient au moindre contact d'un fil invisible relié à une décharge meurtrière.
Nos blindés étaient le plus souvent à
l'avant-garde et frappaient les premiers coups sur les objectifs désignés; puis
linfanterie faisait le reste, à savoir nettoyer maison par maison, rue par rue,
déblayer le terrain pour que les unités arrivant derrière puissent continuer leur
progression sans surprise. Toutes forces réunies, sections d'assauts, blindés, nous nous
battions en synergie totale. Lorsque un peloton de chars arrivait sur son objectif et
avait conquis une partie de la ville, dautres par derrière arrivaient, nous
dépassaient, tandis que les sections d'infanterie visitaient les immeubles des caves
jusquaux greniers. Nous étions rassurés lorsque les sections de légionnaires
passaient : il ne restait personne derrière eux qui soit en mesure de jeter soit une
grenade, soit de se servir d'une mitraillette
Il y avait bien des fanatiques, des désespérés qui préféraient
mourir pour leur Führer, plutôt que de se rendre. Nous avons eu des chars bazookés
alors que nous étions persuadés de n'avoir rien laissé derrière nous. La plupart de
ces hommes étaient planqués dans les égouts et attendaient que nous soyons passés pour
nous tirer par derrière.
Chaque îlot de résistance était immédiatement détruit. Nous
faisions feu sur chaque cheminée, sur chaque soupirail, sur chaque balcon barricadé;
l'ennemi était fractionné en petites unités et n'avait pas de répit mais nous ne lui
laissions pas le temps de se reformer.
Je me souviens d'une scène tragi-comique. Nous étions le char de
tête et roulions prudemment vers le centre dune ville, observant à droite et à
gauche. Soudain, près d'une rue transversale, apparaît un soldat Allemand armé d'une
mitraillette. Il est surpris par notre présence; nous lui faisons signe de lever les bras
et de s'approcher. Sans hésiter, il exécute notre ordre. C'est notre premier prisonnier
de la journée. Il s'avance, feignant de se rendre quand, arrivé à hauteur d'une autre
rue transversale, il disparaît soudain, nous laissant sans voix... Nous sommes alors pris
d'un immense fou rire. Il n'a pas dû aller bien foin car d'autres unités d'infanterie
arrivaient par le travers.
ATTAQUE DE NOS BLINDES
Nos chars, malgré la faiblesse de leur blindage et l'infériorité de
leurs armes par rapport à ceux de l'ennemi, firent leur devoir. Dans l'ensemble, jusqu'à
ce que nous ayons vu les dégâts occasionnés par les chars ennemis sur les nôtres, nous
avions cru être une division en supériorité. Jusqu'au jour où nous comprîmes notre
erreur. Ce qui nous a fait tenir et nous a permis de remporter des batailles et de bouter
l'ennemi hors de notre territoire, a été pour beaucoup notre force de vaincre. Nous
avons connu des moments bien difficiles mais jamais désespérés.
Je me souviens encore du jour où nous avons attaqué un
objectif près d'un village quand, tout à coup, nous nous sommes trouvés nez à nez avec
un camion ennemi qui montait lentement une côte. Il ne nous avait pas aperçu et
poursuivait sa route sans se soucier. Nous étions derrière quelques mamelons et il ne
pouvait nous apercevoir. Il s'avance encore un peu, aussitôt un ordre et une salve d'obus
converge vers lui. Les coups font mouche. Il essaie de faire demi-tour mais il explose
dans une gerbe d'étincelles. C'était un camion rempli d'obus. J'ai encore cette vision
d'horreur du chauffeur affaissé sur son volant en flammes, la tête arrachée par
l'explosion. Un peu plus loin, des véhicules de reconnaissance ennemis gisaient sur les
bas-côtés avec leurs chenillettes détruites et, à côté, des chevaux morts qui
avaient gonflé.
Quand nous approchâmes du village, dautres visions de cauchemar
nous attendaient, celles de vaches tuées, les pattes en l'air, de voitures criblées de
balles, de caissons éventrés, de canons qui achevaient de brûler. De partout, ce
n'étaient que cadavres ennemis couchés sur le sol. La plupart avaient été être
surpris par les bombardements qui avaient précédé notre attaque. Il faut avoir vécu
cela pour comprendre combien la guerre est cruelle et inhumaine.
CONTRE-ATTAQUE ENNEMIE SUR UN VILLAGE TENU PAR NOS TROUPES
Les contre-attaques ennemies sur nos unités furent le plus souvent
meurtrières mais jamais désespérées de notre côté. Sur le front d'Alsace, ces
contre-attaques nous causèrent énormément de soucis, tant pour notre état-major que
pour les troupes en ligne. Les contre-attaques furent un douloureux handicap pour notre
escadron car, à un moment donné, nous il ne nous restait plus que 10 chars sur 17 au
début de l'offensive. Nous avions bien des réserves à l'arrière, mais la plupart de
ces chars n'arrivaient pas toujours à destination. Ayant le plus souvent combattu à un
effectif inférieur à celui d'un escadron blindé, nous avons pourtant tenu le coup.
Je veux raconter une de ces grandes contre-attaques
ennemies sur nos positions. C'était en Alsace où nous occupions un petit village. Chaque
peloton avait sa place assignée tout autour, en prévision d'une attaque de l'ennemi.
Vers la fin de la matinée, la patrouille de la Légion nous signale qu'une concentration
adverse très importante sopère lieu non loin de nous, et qu'elle est prête à
contre-attaquer nos unités. Il parait que l'ennemi a quelques chars et de nombreuses
sections de fusiliers. Aussitôt, branle-bas de combat. Le temps de nous mettre en place,
voilà que l'ennemi débouche de la lisière de la forêt, attaque et vient tout droit sur
nos défenses. Sans hésiter, nous ouvrons le feu et stoppons au sol l'infanterie. La
plupart des hommes essaient de se terrer, comme ils peuvent derrière une butte de terre,
d'un arbre. Les chars qui les accompagnent, s'aventurent à terrain découvert en
décrivant quelques zigzags. Heureusement pour nous, ce ne sont pas des «TIGER »,
mais seulement des véhicules blindés moyens. Nous sommes en supériorité. Un duel
d'artillerie se crée entre eux et nous. Nous avons le dessus. Ils n'insistent pas, se
replient sans pousser plus loin leur offensive. Pendant cette contre-attaque, quelques
armes anti-chars ennemies s'étaient approchées par un sentier en surplomb et avaient
essayé de surprendre nos chars. Elles furent rapidement prises à partie par les
légionnaires, et détruites. Un moment d'accalmie puis, l'infanterie ennemie, qui
s'était abritée, se ressaisit et tente par un débordement de s'infiltrer à travers les
rues du village. Elle était déjà parvenue aux premières maisons quand elle fut
refoulée par nos sections de la Légion. Panique dans les rangs adverses qui tentent de
se replier mais sont bientôt décimés; des éléments plus audacieux veulent continuer
vers lavant mais sont à leur tour abattus. Des éclairs partent du bois en face, et
se succèdent; en écho, trois fortes explosions. Des volutes de fumée stagnent à
l'emplacement des impacts. L'ennemi vient remettre çà et essaie de déborder le village.
De l'autre coté, on aperçoit des hommes qui se mettent à courir et très vite se
jettent dans les fossés.
Par un chantier arrive alors un char ennemi. Nous
n'en croyons pas nos yeux. C'est un «TIGER », l'un des chars que nous redoutons le
plus. Il s'avance, appuyé par des fusiliers. Il progresse lentement et essaie de
contourner une ruine, mais ses chenilles patinent en voulant faire marche arrière et
glissent sur le sol enneigé. Le char s'immobilise. Un homme surgit de la tourelle et une
rafale de mitraillette l'abat. Des silhouettes près du char s'agitent et prennent fuite.
Les légionnaires collés au sol tirent; des hommes tombent. Nos chars font mouvement et
surprennent le «TIGER » par larrière. Aussitôt, une pluie d'obus perforants
s'abat sur lui. En peu de temps, le char ressemble à une écumoire et saute avec toutes
ses munitions. C'est la première fois que nous détruisons un «TIGER » !
Lémotion est grande parmi nous
Ce jour-là, l'ennemi a renoncé à nous reprendre le village. Dans les
rangs de notre infanterie, il y a énormément de pertes. Un de nos char a été touché,
mais son équipage est indemne!
ATTAQUE DE NOS
BLINDES AU DEBUT D'UN APRES-MIDI
Un après-midi, après avoir déjeuné sur le pouce, nous reçûmes
l'ordre de nous préparer à attaquer les positions ennemies. Comme c'était le plus
souvent à l'aube que nous le faisions, nous étions surpris. Peut-être que l'ennemi
avait montré les signes d'une contre-attaque? Le temps de réfléchir nous étions déjà
en route, droit vers notre objectif peu après un tir d'artillerie. Nos blindés, scindés
en trois colonnes, progressent par un mouvement débordant. Chaque chemin et sentier de
terre battue sont utilisés.
De petits postes ennemis que nous avions négligé tirent dans notre
direction et l'infanterie en fait déjà les frais. Par différents mouvements, nous
essayons de nous protéger, évitant de nous mettre en contact direct. Nous laissons le
soin à notre infanterie de faire le travail. Un mortier ennemi tire jusqu'à épuisement
de ses munitions, et le servant lève aussitôt les bras en l'air et se rend.
Nous ne pouvons pas soutenir notre infanterie qui est imbriquée dans
les positions adverses. Tronçonnée, désarticulée, une compagnie de fusiliers Allemande
est mise hors de combat. Seuls quelques petits groupes isolés essaient de résister mais
ces éléments épars, privés de toute liaison, ne présentent plus aucune cohésion.
Notre brèche s'élargit, le front craque, les ultimes résistances
succombent une à une. Vers 15h00, au détour d'un sentier, nous entendons un grand bruit
au détour d'un sentier : trois véhicules blindés ennemis apparaissent. Nous
manoeuvrons et les encerclons. Se voyant entourés, ils stoppent. Nous leur donnons
l'ordre de se rendre. Les équipages refusent; quelques tirs sur leurs engins les
persuadent du contraire. Un grand gaillard en uniforme noir brandit alors un chiffon
blanc, sort de sa tourelle et se rend. Tous sont faits prisonniers. Partout notre
intervention est décisive. Nous sommes restons jusqu'à la tombée de la nuit puis nous
rentrons à notre base de départ pour y passer la nuit.
AUTRE ATTAQUE DE NOS BLINDES AVEC POUR SOUTIEN LA
LEGION ETRANGERE
Le soutien des sections dinfanterie de la Légion a été nous
des plus précieux, et déterminant. Nous savions que nous pouvions compter sur leur
dévouement, sur leur courage et que nos camarades légionnaires se feraient plutôt
hacher sur place que de nous laisser en désarroi en plein champ de bataille. Sans ces
hommes, il y a des moments où nous n'aurions pas pu venir à bout de l'ennemi. Hommes de
valeur, de discipline, dun courage exemplaire, menant de main de maître des combats
parfois supérieurs à ceux de l'ennemi. Ils ont toujours mené à bien chaque combat et
attaqué sans cesse malgré les lourdes pertes qu'ils ont subies.
Un matin, nous devions attaquer un village ennemi en pleine Forêt
Noire, dans le pays de Würtenberg. Pour ne pas donner l'éveil à l'ennemi, nous
avancions prudemment bien sûr, mais il était impossible datténuer durablement le
tintamarre produit notre escadron en marche
Dès l'approche du village qu'on devinait à peine à travers les
arbres, un bruit de moteur nous annonce que nous sommes repérés. Aussitôt, les sections
d'infanterie de la Légion se déploient, chaque section se plaçant sur les divers
sentiers. Soudain, une brève fusillade se déclenche, nous annonçant que quelques-uns de
nos éléments sont déjà en contact avec l'ennemi. Un ordre est donné, les moteurs
rugissent et et nos chars foncent à travers champs, franchissant les clôtures, les
petits fossés et les ruisseaux. Nous attaquons. Chaque peloton a sa tache bien définie.
Un de nos «SHERMAN » a ses chenilles
brisées par une arme anti-char, tandis qu'un second est atteint par un obus de 88 mais
sans gravité. Un autre de nos engins règle son compte à l'arme antichar. Couvert par
ses mitrailleuses, l'ennemi essaie de déborder nos points d'appui mais est stoppé dans
son élan par la Légion. Celle-ci progresse par bonds successifs et met hors de combat
trois nids de mitrailleuses. La réaction de l'ennemi est contenue. Nos hommes sont
terriblement fatigués et l'ennemi donne des signes d'essoufflement, c'est ce dont
profitent les sections de la Légion qui, en peu de temps, vont bouter l'ennemi hors du
village.
PROGRESSION DE NUIT EN FORET
Combattre en plein jour, c'est déjà être rempli d'angoisse, mais
combattre en pleine nuit, c'était notre cauchemar car nous ne pouvions attaquer qu'à
volet ouvert; le périscope n'était pas assez suffisant pour une bonne visibilité. Dans
la forêt lugubre, nous avions l'impression d'être constamment entourés de milliers de
fantômes. Chaque arbre, chaque buisson ressemblait à un ennemi, chaque levée de terre
à un canon antichar et un gros paquet d'arbres bien resserrés à un char ennemi. De
temps en temps, on entendait des brèves explosions, puis c'était le silence. Chaque
arbre, chaque buisson était à la fois une protection mais aussi un danger. On aurait dit
qu'à nos yeux, tout cela se transformait en ces choses mouvantes qui devenaient autant de
cibles à détruire.
Pour les légionnaires qui étaient notre soutien d'infanterie,
c'était aussi l'angoisse. Parfois, une fusée verte ou blanche s'élevait, trouant un
court instant l'obscurité. Les hommes, transis de froid, marchaient, les armes tenues par
des mains nerveuses. Ils avaient soif. Le froid transperçait leur chandail. Seul le
contact avec l'ennemi aidait à les maintenir en éveil.
La menace d'infiltration d'éléments adverses était constante. Nos blindés
et notre infanterie progressaient sur des sentiers à peine tracés, étroits et sinueux,
coupés de chaque côté de bois profonds. Nous avions interdiction d'utiliser nos postes
radios.
Un matin, alors que commençait à poindre l'aurore, nous sortîmes
enfin de ce cauchemar pour prendre position non loin d'une route. Tout près d'une ruine,
il y avait une trentaine de soldats ennemis qui, stupéfiés de nous voir arriver de cette
direction, n'ont eu qu'à lever les bras en l'air pour se rendre. C'était un groupe
isolé, cherchant en vain son unité.
Malgré la timide clarté de l'aube, on sentait qu'une activité
fébrile était en train de se manifester. Les légionnaires casqués aux jugulaires
attendent près de nos chars. La plupart essaient de se réchauffer en fumant une
cigarette. Derrière nous, la forêt toujours lourde de mystères. Nous attendons l'ordre
de progresser vers l'avant. Chaque équipage, assoupi dans son char, cherche un bref
repos. Dans le lointain, on entend par intermittence des bruits suspects de moteur. Des
lueurs de départ de fusées d'artillerie, des grondements sourds prennent un aspect
lugubre, tragique, inquiétant
Soudain, l'artillerie ennemie se déclenche, des
salves battent par intervalle, les chemins, les routes, les sentiers. L'infanterie essaie
de se protéger derrière, voire même sous nos chars!
Allons-nous bientôt attaquer? Ou bien faut-il attendre la fin de ce
déluge de feu? On nous a souvent parlé de cette fameuse artillerie ennemie. Beaucoup de
nos hommes ont en effet entendu leur père rapporter les effets terrifiants des tirs de
barrage sur leurs unités enfouies dans les tranchées lors de la première guerre
mondiale en 1914-1918
Le hurlement des obus déchire l'air avant quils
viennent s'écraser au sol. Pour l'infanterie, abris et trous paraissent frêles,
comparés à cette frappe géante qui tord les arbres, laboure la terre enneigée, fouille
les bosquets, les sous-bois, et qui au fur et à mesure, s'allonge, recule, s'éloigne,
s'estompe et exaspérant ainsi la tension nerveuse qui précède toujours la première
rencontre avec l'ennemi.
Enfin, nous recevons l'ordre de départ. Les troupes se mettent en
marche, les fantômes des légionnaires se meuvent dans la brume. Ils parlent fort en
cherchant un chemin. Ils ont l'impression de s'encourager mutuellement. Les légionnaires
se jettent hors des taillis, bondissent, s'agrippent aux aspérités du sol.
Comment se mettre à l'abri des bosquets tous proches? En face, la
forêt résonne d'un nouveau son. Ce n'est plus que le déchirement sourd des explosions
de projectiles, mais bien le crépitement sec des armes automatiques, tandis que nos
canons de 75 portent loin en avant.
Les sections d'infanterie commencent par s'infiltrer en tirailleurs
entre les sections ennemies parfaitement camouflées. Il y a des risques que le terrain
devant nous soit miné.
Malgré le froid, une puanteur atroce monte d'un champ à proximité,
survolé par une immense nuée de mouches bourdonnantes. Le spectacle est horrible. De
nombreux cadavres sont allongés sur le terrain
OPERATION DE LA 5e DIVISION BLINDEE EN
ALSACE
Notre campagne d'Alsace s'est achevée le 9
février 1945. A cette victoire sur l'ennemi, toutes nos unités de la 1ère
armée française ont contribué, chacune avec ses qualités propres, avec une ardeur
exceptionnelle malgré les fatigues endurées et avec un absolu mépris du danger et de la
souffrance physique. Cette armée s'est battue contre un ennemi décidé à tout tenter
pour anéantir notre tête de pont au-delà de l'III et du canal de Colmar. C'est par une
manuvre d'un développement audacieux que nous avons délivré Colmar et lancé au
sud de cette ville la libération de la plaine d'Alsace.
Pour en arriver là, nos troupes ont dû
vaincre de très grandes difficultés. Nos opérations ont dû débuter par de nombreux
franchissements en vive force des lignes ennemies, traverser de nombreuses forêts et des
terrains enneigés ou inondés. Nous avons dû subir une température exceptionnellement
basse (-20°C) ainsi qu'un sol durci par le gel et recouvert de 30 cm de neige. Puis quand
vint le dégel, ce furent les routes qui furent transformées en bourbiers et la plaine
d'Alsace en marécages. Nos chars s'enlisaient en sortant des routes, et les fantassins
s'enfonçaient jusqu'aux genoux dans la neige fondante.
Cette campagne d'Alsace a été
particulièrement glorieuse. Certes, nos pertes ont été lourdes, mais malgré nos
souffrances, nos fatigues, nos sacrifices, le rêve que nous avions fait tous ensemble,
celui de rendre la liberté à l'Alsace, s'était enfin réalisé. Quelle joie nous avons
partagé d'entendre exploser la ferveur patriotique et de voir jaillir, comme de
véritables bouquets, le drapeau de la France sur toutes les fenêtres des villes et
villages Alsaciens!
CONCLUSION
Combien de morts, combien destropiés, combien dhommes aux
mains, aux pieds gelés le peuple Allemand devait-il pleurer maintenant ? Quel sort
effroyable lattendait-il encore ? Espérait-il un miracle de dernière
heure ? Naurait-il pas du arrêter ce cauchemar avant de faire mourir autant
dhommes ? Combien sont tombés pour cette cause perdue ? Combien sont morts de
froid, hachés par la mitraille pour quen définitive tout sombre dans le
chaos ?
Cen était fait de sa supériorité acquise et maintenue pendant
une douzaine dannées. Comment des groupes darmées avaient-ils subi une telle
catastrophe en moins de huit mois de bataille ? Laviation alliée avait paralysé
toutes leurs contre-attaques, les principales forces blindées avaient été écrasées et
les divisions dinfanterie décimées.
Pour nous cétait enfin la victoire, la fin dun grand
péril. Cette victoire est due en grande partie à notre hardiesse, notre sang-froid,
notre volonté de chasser définitivement lennemi hors de notre territoire. Par
notre glorieuse offensive, nous avons sans cesse combattu, exploitant nos succès afin
dacculer lennemi à la défaite définitive. Le vent de la victoire a enfin
soufflé. Nous étions tous ensemble, escadrons, compagnies, sous le mêmes calots
multicolores et tous les hommes se confondaient sous le même blouson de combat.
Cest cette 1ère armée Française qui a contribué à
la libération du pays. Ce sont nos Divisions blindées formées en Afrique qui ont
libéré lAlsace, atteint le Rhin de vive force en tête des forces alliées, qui
sont allées conquérir la majeure partie du WURTEMBERG et du pays de BADE, qui ont
atteint le TYROL et ont anéanti deux armées ennemies. Chemin faisant elles ont absorbé
dans leur sein des unités Africaines et des formations de la résistance sorties des
maquis. Cette armée formée en Afrique, détenait entre ses mains le destin de la France.
Cest cette 1ère armée française qui a fait sauter la ligne Siegfried,
réussi lhistorique la trouée de PFORZHEIM, conquis KARLSRUHE, disloqué le front
de la FORÊT NOIRE, occupé ULM et percé les dernières défenses ennemies en
semparant de STUTTGART après avoir fait 200 000 prisonniers, capturé 34
généraux, 200 chars et 500 canons ennemis.
Notre victoire venait de sachever sur une fantastique
chevauchée. Nos drapeaux flottaient au cur de lAllemagne et de
lAutriche. En nous souvenant de tous nos morts, européens et français originaires
dAfrique du nord, ayons encore une pensée pour nos tirailleurs sénégalais, pour
nos marocains, nos algériens, nos tunisiens, tous ceux doutre-mer profondément
liés à la France. Nous étions unis pour le même combat. Beaucoup reposent maintenant
un peu oubliés dans les divers cimetières de notre pays, surtout dans les terres les
plus meurtrières de notre offensive en Alsace.
Nous noublierons jamais ces combats quils ont livrés pour
la liberté. Cette fierté de la France dont ils étaient imprégnés et quils ont
légué aux nouvelles générations. Tous ces français métropolitains et soldats
dAfrique du nord ont payé un lourd tribut à lautel de la patrie. Beaucoup
dentre eux ont été meurtris dans leur chair. Nombreux sont ceux qui nont
plus revu leur chaud soleil dAfrique. Tous ensemble nous navions quun
seul but mener une guerre sans merci à lennemi. Nous sommes de ceux qui savent le
prix quil a fallu payer pour mettre fin à ce terrible cauchemar. Nous nous
souviendrons toujours des âpres et durs combats que nous avons du mener dans la neige et
le froid, de ces nuits sans sommeil, de ces longs jours sous le ciel noir avec pour tout
horizon le piège des bois obscurs, de nos chers camarades disparus dans des combats
atroces sans merci.
Peu à peu, les années défilent, chaque jour, chaque mois, chaque
année sestompe dans les affres du passé. Lequel dentre-nous ancien
combattant de cette 1ère armée française, ne se souviendra pas de ce que
nous avons vécu ? Le temps senfuit, il ne nous reste plus que le souvenir !
FIN
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